La bête noire...
Article publié le 1er mai 2013 et lu dans le car qui nous emmenait en randonnée. Extrait de mon ancien blog: Lagazettedesjeudis
La bête au couteau entre les dents
Bien que très répandus encore dans les bois, les sangliers sont toujours relativement mal connus.
Ce sont leurs coutumes secrètes que l’on aimerait bien connaître, leurs goûts alimentaires, leur sens de l’humour, leur voyage mystérieux à travers la France et tant d’autres choses…
Seulement voilà, il y a belle lurette qu’ils ne se laissent plus approcher les bougres. Ils ont fini par comprendre qu’il n’y avait pas de dialogue possible et que la seule chose à faire était de courir plus vite que les balles des fusils. Désormais, au premier bruit bizarre, à la moindre effluve suspecte, ils quittent en silence la bauge où ils se tapissent la journée durant et décampent sans demander leur reste.
Dans ces conditions, essayez donc, vous autres, d’entamer la conversation.
Au Moyen-âge, paraît-il, c’était tout différent : le sanglier admettait fort bien le principe du dialogue et de l’échange d’arguments. Vautré dans sa couchette, furieux d’être interrompu dans sa sieste, l’animal attendait les chiens lancés sur sa piste et ne partait pas avant d’en avoir « décousu » quelques uns. C’était le bon temps.
La seule méthode pour venir à bout de l’irréductible était d’ailleurs de lancer sur lui toute une meute de chiens très puissants capables de le poursuivre pendant des heures, en se relayant, jusqu’à ce que, complètement épuisé, il se décide enfin à s’arrêter. Encore fallait-il ensuite affronter la bête, se battre avec elle les yeux dans les yeux et tenter de la tuer à l’aide d’une dague, d’un pieu ou de tout autre objet pointu.
Le sanglier se range en effet dans la famille des durs à cuire.
Merveilleux coureur de fond que les km n’effraient pas, il est capable, même dans des circonstances tout à fait normales, d’effectuer un voyage de 80km dans la nuit.
Alors, vous pensez, le jour où c’est devenu une question de vie ou de mort, le bandit sait se surpasser ! C’est ainsi que l’on a pu voir certains solitaires chassés à courre trotter 2 jours de suite à travers bois sans désemparer, histoire simplement d’essouffler un peu les chiens.
Mais si, en désespoir de cause, il ne lui reste plus qu'à faire front, tout n'est pas perdu pour autant, n'allez pas croire!
La nature a eu la prudence de lui confier un jeu de poignards forts jolis qui méritent toute notre considération.
Commençons par le mâle.
Déjà, à sa naissance, le petit marcassin possédait 2 paires de dents pointues qui parfois mordillaient douloureusement les tétons de sa mère : 4 super-canines de luxe. Depuis, elles n’ont pas cessé de pousser : les 2 du bas, extrêmement pointues et qui se recourbent en arrière avec l’âge, ce sont les défenses. Comme elles viennent sans cesse s’aiguiser contre les grès, c'est-à-dire les 2 dents du haut qui jouent un peu le rôle de meules, elles restent sans cesse coupantes comme de véritables rasoirs.
Un seul geste de la gueule fermée et la bête noire tranche au couteau la peau de son agresseur, lui ouvre les poumons ou met à nu ses entrailles. À moins encore « accident classique » qu’elle ne sectionne d’un coup sec l’artère fémorale de l’importun, provoquant sa mort en quelques mn.
La femelle maintenant.
Elle a 4 canines, elle aussi, mais hélas ! en beaucoup moins développé. Force lui est donc d’adopter une autre méthode de close-combat : faire face la gueule grande ouverte et la refermer sur tout ce qui passe, bras ou jambe.
Pas besoin d’appuyer très fort, vous savez : 1 simple pression des mâchoires et voilà le membre de l’assaillant broyé menu comme du bois mort. Ces choses-là sont rudes…
Mais ne perdons tout de même pas de vue le détail le plus important de toute l’affaire : pour se voir infliger pareil traitement, il faut vraiment avoir cherché querelle à ces animaux qui, en temps normal, se montrent d’un tempérament parfaitement pacifique et serein.
Dans la nature, le sanglier n’attaque jamais l’homme.
Bonjour la compagnie !
Vous allez me dire : c’est bien joli d’avoir ainsi 2 grands couteaux entre les dents mais face à un fusil bien entretenu, cela fait tout de même un peu désarmé. Certes, certes.
Mais, là encore dame nature a su fouiller dans son grand sac et y trouver quelques vieilles ruses bien rodées. Par exemple, elle a capitonné l’ensemble du corps du sanglier d’un épais pelage, une « bourre » de poils très serrés faisant, en quelque sorte, office de matelas protecteur dans lequel viennent se perdre les plombs. Il fallait y penser ! De plus, comme dans ce genre de catastrophes, une précaution ne suffit pas toujours à limiter les dégâts, elle a également pensé à doter son protégé d’un gilet pare-balles : à certains endroits du corps (épaules, échine, flancs), la peau du sanglier atteint des épaisseurs impressionnantes : 3cm par endroits.
Prenez votre vieille règle ébréchée et rendez vous compte vous-même : avec une pareille cuirasse sur le dos, on comprend sans difficultés que sa majesté la bête noire tienne tellement à sa peau.
À suivre...