La bête noire suite...
Petit à petit, mère laie fait son nid...
Octobre:
Il y a de l’orage dans l’air. Les grands mâles solitaires sortent des bois, plus sauvages, plus hargneux que jamais… Or un vieux grincheux qui tombe sur un râleur encore plus vieux et plus grincheux que lui : qu’est-ce que cela donne ? Facile à deviner : une bagarre !
Une empoignade féroce… Un duel de bulldozers fous furieux… Des coups de rasoir en traitre qui fendent le cuir dans tous les sens. Et bientôt le dénouement ensanglanté. Balafré comme un corsaire et la mort dans l’âme, le vaincu se voit contraint de faire machine arrière, emportant parfois, en guise de souvenir, un morceau de la dent de son adversaire planté dans l’épaisseur de sa cuirasse…
Tout cela uniquement pour épater la laie dont il était tombé amoureux ! Eh oui : voilà à quelles irréparables sottises mène l’amour, mes enfants, Méfiez-vous bien !
Le résultat de tant d’ardeur guerrière, c’est finalement qu’au bout d’environ 4 mois, une portée de marcassins vient au monde dans le nid amoureusement préparé par leur rugueuse maman.
Un nid de sanglier !
Avouez que vous n’en n’aviez jamais rencontré dans aucun buisson…
Mais, bien sûr, je plaisante : il ne s’agit pas d’un petit berceau de crin suspendu dans les branches, pas du tout ! C’est au contraire une sorte de léger tas de foin ressemblant vaguement à ces « buriaux » que les cultivateurs faisaient dans les prés avant l’invention de la presse mécanique par Gutenberg. Ceci à base de mousse et de plantes forestières sèches, soigneusement dissimulé aux regards, cela va sans dire. Pour rentrer et donner la tétée à toute sa marmaille, la laie se glisse sous la meule avec des précautions de couleuvre et la famille disparaît alors complètement dans le foin.
Adorables marcassins ! Sont-ils mignons, avec leur pyjama à rayures qui semble dessiné tout exprès pour les dérober aux regards parmi les taches de soleil filtrant à travers les branches ? Qui penserait qu’un jour ils deviendront, celui-ci vieux solitaire bourru, celle-là vieille noirâtre ?
Enfin, c’est la vie…
Pour l’instant, ils sont à croquer. C’est du moins le sentiment très net des renards qui passent dans le secteur, sans s’arrêter toutefois car (ils le savent) la mère prendrait fort mal toute curiosité suspecte de leur part. C’est fou ce que ça peut être méfiant, une laie !…
Et colérique avec ça ! Jadis, il n’y avait guère que les loups et les lynx pour essayer de leur chiper leurs gosses mais toutes ces sales bêtes ont disparu. Bon débarras, tiens !
Vous savez ; Mâme Dugroin, s’il n’y avait pas autant de tireurs fous dans les bois, c’est pas croyable ce qu’on serait bien tranquilles !... Faut pas désespérer comme ça, Mâme Leboutoir, j’ai entendu dire qu’il nous pousse des défenseurs un peu partout, cette année, et si ça continue, vous verrez, ils seront bien obligés de les arrêter leurs maudites battues !
À suivre...