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Très intéressant!

22 Juillet 2019 , Rédigé par Aimji Publié dans #Il faut savoir

Les animaux domestiques savent-ils se soigner ?

Les animaux domestiques savent-ils se soigner ?

Certains animaux, comme les chimpanzés, les éléphants ou même les insectes pratiquent l’automédication dans leur milieu naturel grâce notamment à l’ingestion de plantes médicinales. Les animaux domestiques ont-ils eux aussi cette faculté ?

 Dans les années 70, le primatologue britannique Richard Wrangham est le premier à noter, chez des chimpanzés de Tanzanie, un curieux phénomène. En pleine période des pluies, où les larves parasitaires abondent, ils changent leur régime alimentaire pour gober tout rond une herbe velue l’Aspilia mossambicensis.

Le règne de l’animal médecin

En observant leurs selles, ils concluent qu’ils s’en servent comme vermifuges. Le biologiste Michael Huffman, de l’université de Kyoto, a, lui aussi, démontré que les chimpanzés, infectés par des vers intestinaux, choisissaient d’ingérer l’essence amère de Vernonia amygdalina (aussi appelé Gymnanthemum amygdalinum), un arbuste d’Afrique tropicale aux propriétés antiparasitaires. En France, la primatologue Sabrina Krief a mis en lumière, toujours chez les chimpanzés, leur système d’automédication très élaboré : ils n’utilisent pas moins d’une quarantaine de plantes pour se soigner ! Au-delà des primates, ce phénomène d’autoguérison existe chez nombre d’animaux, même les moins évolués au niveau cognitif. Selon Thierry Lefèvre, chercheur en biologie évolutive, les chenilles augmentent leur consommation d’une plante riche en alcaloïdes lorsqu’elles sont infectées par des larves de guêpes parasitoïde.

De là à en conclure que tous les animaux ont cette faculté y compris les animaux domestiques ? La question interpelle, en tout cas, les experts comme Sabrina Krief. Dans sa thèse en 2003, elle préconise l’étude des comportements d’automédication chez les animaux captifs ou domestiques en introduisant des plantes médicinales dans leur environnement.

Le sujet passionne justement l’anglaise Caroline Ingraham depuis plus de trente ans. Formée à l’aromathérapie scientifique et nourrie de ses multiples enquêtes de terrain, elle a fondé en Angleterre le concept de « zoopharmacognosie appliquée » (du grec zoon pour animal, pharmakonpour remède et gnosie pour connaissance).

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En quoi consiste la zoopharmacognosie appliquée ?

Le principe : mettre à disposition d’animaux en captivité ou domestiqués différentes substances pharmacologiques actives issues de plantes (huiles essentielles, nutriments notamment) avec une valeur médicinale plutôt que nutritive. Caroline Ingraham part du postulat que l’animal sait exactement quelle substance choisir pour se soigner grâce, dit-elle, à une réponse physiologique innée liée aux récepteurs du goût et de l’odorat. C’est en Californie, il y a une vingtaine d’années, qu’elle pose les bases de sa nouvelle approche en étudiant les chevaux : « Ils furent mes premiers professeurs en zoopharmacognosie appliquée. Ils m’ont montré comment ils choisissent des huiles essentielles selon leurs problématiques. Par exemple, lorsqu’ils sont blessés, ils choisissent l’huile essentielle d’Achillée millefeuille que ce soit par inhalation, voie orale ou en application topique. » Plus étonnant encore, elle raconte comment les chevaux régulent le dosage des substances et leur mode d’application : « S’ils ont besoin d’une application plus forte, ils ingèrent l’huile essentielle avec le dessous de la langue, beaucoup plus vascularisé. Donc l’huile circule dans le sang beaucoup plus vite ! Un cheval souffrant d’anxiété choisira une autre huile en préférant souvent l’inhaler. Elle monte ainsi très rapidement au cerveau, ce qui facilite une modification de son comportement. »

Quelque temps plus tard, Caroline Ingraham utilise le fruit de ses recherches avec son propre chien Gunner, victime d’une hémorragie interne, après avoir été mordu par un serpent à sonnette en Californie. Le vétérinaire ne peut plus rien faire. Caroline, se souvenant avoir vu des chevaux choisir de l’huile essentielle de carotte lors de dommages cellulaires internes, en propose à Gunner. Selon elle, les saignements diminuent alors immédiatement et son chien se remet rapidement.

Une approche qui séduit

Son expertise dans ce domaine commence à intéresser les zoos et refuges qui l’appellent pour leurs éléphants ou leurs chimpanzés. En France, elle intervient par exemple auprès des éleveurs bio de chèvres. Certains spécialistes du comportement animal, comme Michael Huffman, n’hésitent pas à échanger avec elle sur son approche en zoopharmacognosie appliquée. Une pratique qu’elle fait évoluer peu à peu : « J’ai mis des années à décrypter le comportement des chiens pour comprendre comment ils acceptent ou refusent un remède. Leurs signaux sont très subtils. Il est plus facile de travailler avec des chats qui ont seulement besoin d’inhaler pour assimiler le bon dosage. Le juste dosage, choisi par l’animal, est crucial pour que le remède fonctionne. Je ne pose aucun diagnostic même si on peut glaner beaucoup d’informations précieuses en observant ce que l’animal sélectionne.»

Cette démarche a convaincu Paulina Druri, comportementaliste canin en Bourgogne. Depuis 2014, elle suit régulièrement les stages de Caroline Ingraham : « Au début, je ne croyais pas du tout au fait que le chien avait ce pouvoir de choisir. Quand Caroline a proposé plusieurs bols avec des nutriments à mon chien, un croisé labrador, je pensais qu’il allait tout manger ! Mais non, il a choisi très précisément. Ça m’a bluffée et perturbée aussi, car je croyais bien le connaître et savoir ce qu’il lui fallait. Or il a sélectionné des huiles essentielles et des remèdes avec des propriétés antidépressives et je ne m’attendais pas à ça… ». Paulina Druri réitère l’expérience avec ses trois chiens et découvre une autre façon de communiquer : « C’est toute une rééducation humaine en réalité. J’ai appris à laisser le contrôle à mes chiens. Surtout ne pas les forcer, mais les écouter et repérer leurs signaux quand ils choisissent une substance. Bien évidemment, il n’est pas question de remplacer les traitements vétérinaires, mais c’est un bon complément. » Cette approche, elle la propose à présent dans sa palette d’ateliers professionnels en matière d’éducation canine.

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Quand la chienne Lexi fait le choix de la menthe poivrée

Ce jour de juin, elle reçoit une collègue éducateur canin, Lætitia, qui vient de Franche-Comté pour sa chienne Lexi. Une première pour cette femelle berger allemand croisée beauceron. Lætitia s’inquiète : « Elle se gratte beaucoup, rien ne la soulage et j’ai l’impression que quelque chose ne va pas ». Avant la séance, elle a rempli un questionnaire détaillé sur Lexi : traitements, vaccination, stérilisation, alimentation. Paulina accueille Lexi et place sur le sol des bols contenant chacun un nutriment « pour observer s’il y a une carence » : spiruline, orge commun, églantier, réglisse, Harpagophytum et huile de coco. Lexi s’approche et renifle un à un les bols et s’arrête sur l’huile de coco qu’elle va lapper entièrement avant de pousser le bol vide vers Paulina. La chienne en reprendra plusieurs fois dédaignant les autres bols. Puis Paulina tend sa main à Lexi avec de l’argile, aux propriétés notamment antifongiques. La chienne lèche un peu la poudre, ferme les yeux, des signes de consentement selon l’éducatrice. Puis, la chienne se couche sur le dos exposant son ventre : « C’est sa façon d’indiquer où et comment elle veut que l’argile soit appliquée. Si c’est bien pour elle, Lexi va laisser la poudre sinon elle la léchera pour l’enlever. A nous de bien observer ce qu’elle demande », explique Paulina. De fait, Lexi en redemandera pendant les deux heures de séances et finira par se rouler dedans. Paulina ouvre aussi son coffret d’huiles essentielles, en sort une quinzaine pour tester les réactions de la chienne. A chaque fois, le protocole est le même : Paulina débouche le flacon et attend. Pas besoin de trop s’approcher, les chiens ont 40 fois plus de neurones olfactifs que l’homme. L’huile essentielle de thym n’inspire pas Lexi, qui tourne la tête. Le test avec la menthe poivrée est beaucoup plus clair : Lexi s’en désintéresse au début, mais réagit lorsque Paulina veut refermer le flacon. Rapidement, l’animal ferme les yeux, se couche et sa respiration s’apaise. Paulina dirige le flacon ouvert vers la chienne, qui reste immobile environ trois à quatre minutes avant de se lever soudain : « Voilà elle manifeste que c’est fini, elle a inhalé ce dont elle avait besoin et pas plus. On peut refermer. » A l’issue de la séance, Lexi aura sélectionné l’huile de coco, l’argile de l’absolue de fucus vésiculeux et plusieurs essences : menthe poivrée, ail, et bois de santal.

Un savoir-faire à manier avec précaution

Paulina se garde bien de poser un diagnostic. Elle prend soin aussi de montrer à Laetitia comment laisser le contrôle à sa chienne en toute sécurité : « C’est complexe lorsque par exemple l’animal veut lécher le produit, le dosage proposé ne s’improvise pas et il y a beaucoup de précautions à prendre. Autre règle : utiliser la zoopharmacognosie dans le cadre privé et consulter le vétérinaire chaque fois que c’est nécessaire. » Laetitia repart satisfaite avec des petits inhalateurs contenant une dose minime des huiles essentielles choisies par Lexi. Contactée quelques jours plus tard, elle témoigne : « Lorsque je propose ces huiles essentielles à Lexi, ça apaise vraiment ses grattages. Je suis soulagée de pouvoir l’aider pour des petits bobos du quotidien. Participer à son bien-être en lui faisant confiance c’est vraiment intéressant ». Même enthousiasme chez Sasha qui a découvert la zoopharmacognosie appliquée avec Paulina voici deux ans : « Cette facette de l’intelligence animale est une révélation pour moi. Aujourd’hui, j’ai pris l’habitude de demander à mon chien son autorisation pour lui faire un soin et c’est toute notre relation qui a changé. »

Attention toutefois, la zoo pharmacologie appliquée comporte aussi des risques et requiert de la vigilance. Caroline Ingraham met en garde : «Si on ne sait pas lire les réactions de l’animal ou si on ne le laisse pas choisir, on peut surdoser ou sous-doser ce dont il a besoin». Que l’on soit séduit ou non, mieux vaut s’abstenir que jouer les apprentis sorciers.

Un article extrait de la revue "Alternative Santé"

Article paru dans le journal nº 70

 Rédigé le 16 juillet 2019 par Caroline Pel

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé

 

 

 

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